Le système bancaire japonais

Publié par Siméon le

Si on devait me demander un point négatif depuis que je suis au Japon, je répondrai probablement ça. C’est un vrai parcours du combattant, et comparé à l’Europe, le système bancaire japonais semble archaïque et isolé. Plusieurs fois je me suis demandé « mais pourquoi ? » ! Je ne vais pas critiquer le fait que les japonais préfèrent le cash à la carte, c’est une habitude culturelle, mais dans certains cas, je me demande pourquoi il n’y a pas le choix.

La vie de tous les jours

Premièrement, des aspects que même les touristes peuvent ressentir. Commençons par les DAB (distributeur automatique de billets, ou ATM en anglais et en japonais). Ceux-ci ne sont pas forcément accessibles H24, ils peuvent souvent être fermés la nuit, par exemple le DAB de mon université n’est ouvert que de 9h à 19h alors qu’il est dans un sas spécial, il n’y a aucune raison de fermer l’accès. Un automate est fait pour fonctionner tout le temps, c’est même son avantage par rapport à un humain ! Et quand ils sont accessibles H24, comme dans les konbini, des frais supplémentaires sont ajoutés la nuit. Pourquoi ?! Quelle est la raison technique qui impose de tel frais ? Je n’arrive pas à comprendre.

Par exemple ici, le retrait avec une carte de la 7 bank sur un DAB de cette même banque est gratuit la journée… mais payant la nuit ! Alors que ces DAB sont dans les konbinis qui sont ouverts H24.

En parlant de frais, en Europe retirer de l’argent dans un DAB n’est pas payant par le DAB, en revanche votre banque peut vous faire payer si vous n’utilisez par ses DAB. Au Japon, tous les distributeurs qui ne sont pas de votre banque vous font payer une commission (généralement 110 yens pour 10 000 yens et 220 pour 20 000, doublée la nuit). Du coup, c’est la double peine ! Et si vous n’avez pas une banque comme Revolut, qui ne vous facture pas les frais de conversion de monnaie, vous avez une troisième couche de frais.

Un autre point est la carte Suica/Icoca/Pasmo… qui facilite grandement la prise du train et évitant d’acheter un ticket pour chaque trajet (je ferais surement un article). Elle fonctionne comme un porte-monnaie électronique que l’on charge. Le prix du trajet est ensuite débité lors du passage aux portiques. Elle peut également servir comme carte de paiement sans contact pour acheter dans les magasins et aux distributeurs. Le chargement de cette carte se fait dans des automates présents dans les gares ou aux DAB, et cela ne peut se faire qu’avec des billets. Il n’existe pas de machine pour recharger par carte, pourquoi ? De plus, il est possible de charger la carte dans les konbini, mais là encore, pas avec la carte. Alors que les konbini possèdent les appareils pour payer par cartes, japonaises et étrangères.

Les principales Intelligent Card (IC) des compagnies de transport du Japon. Avec en haut les cartes des différentes entités de la JR (Japan Railway, la SNCF japonaise, devenue privée).
Logo de Felica, le sans contact Made in Japan

La seule façon de charger la Suica par carte, est d’utiliser Mobile Suica (sur téléphone). Mais attention il y a deux conditions problématiques. La première, qui peut être facilement résolue, est technologique. Suica utilise le système NFC Felica, créé par Sony, qui n’est pas pareil que le NFC général. Tous le Japon utilise ça, également pour les badges d’identification et autres cartes sans contact. Le problème c’est que seuls les téléphones japonais, ainsi que les iPhones et Google Pixels sont équipés de cette puce. Mon Samsung Galaxy S10+ ne fonctionne donc pas, quand bien même il soit équipé du NFC, il faut donc changer de téléphone. Mais la deuxième condition est plus problématique : les cartes étrangères ne sont pas autorisées, il faut impérativement une CB japonaise !

Et la JR East (qui fait la carte Suica) n’est pas la seule à ne pas autoriser les cartes étrangères. Par exemple le site Mercari, un genre de bon coin japonais n’autorise pas les cartes étrangères. Et il ne le précise pas lorsqu’il faut rentrer sa carte sur le site. Les logos Visa et Mastercard n’aident pas non plus. Ce n’est qu’au moment de payer que le site annonce que la carte est inutilisable (sans préciser pourquoi). Il faut aller dans la FAQ (tout en japonais) pour trouver l’information, et comprendre. Pour pouvoir commander, j’ai dû : associer mon compte bancaire à la Poste japonaise à LINE Pay pour ensuite créer une carte de crédit virtuelle pour enfin payer ; mais n’ayant pas assez d’argent sur mon compte, j’ai dû attendre le lendemain que le DAB ouvre !

Les comptes bancaires

En tant que nouveau résident au Japon, ouvrir un compte bancaire est une des premières choses à faire. L’établissement où il est le plus facile d’ouvrir un compte est la Poste. En effet, dans certaines banques, il faut justifier de six mois de résidence au Japon avant de pouvoir souscrire. À noter qu’il n’est pas possible d’ouvrir un compte avec un visa court séjour (tourisme). En général tout se fait en japonais, à la Poste quasiment rien est en anglais, l’aide d’un japonais est plus que souhaitable ! Chose également importante, les banques ferment tôt au Japon, vers 15-16h, il faut donc venir tôt, l’ouverture d’un compte étant longue.

Une chose également importante pour ouvrir un compte est d’avoir un hanko (un sceau japonais) qui s’utilise comme signature. Cependant, plusieurs banques autorisent les étrangers à signer, par exemple la Poste. Même si j’avais déjà un sceau, j’ai préféré utiliser ma signature, en effet, il ne faut pas perdre le sceau et penser à l’avoir avec soi pour toutes opérations. Comme je ne peux pas perdre et oublier ma signature, c’est plus sûr !

Hanko dans un magasin – Wikipédia

Je n’ai qu’un compte à la poste, mais je me suis un renseigné sur les autres banques et les autres comptes, et le même point revient : la complexité et/ou le coût des virements internationaux. Contrairement à l’Europe où la zone SEPA simplifie tout ; ou encore l’IBAN qui est utilisé en Europe, une bonne partie de l’Afrique, au Brésil et au Moyen-Orient, pour faciliter les échanges internationaux, rien de tout ça ici. Même si ma banque européenne (Revolut) peut envoyer des Yen directement, je ne peux pas envoyer de l’argent sur mon compte japonais. Pour la Poste, il faut que je passe par la Deutsche Bank qui se charge de faire l’intermédiaire, avec des frais. Et je dois envoyer des euros. Mais sur le prospectus explicatif, il n’y a pas l’IBAN du compte, du coup, comment virer l’argent ?

Seven Bank utilise Western Union, pour les autres banques je n’ai pu voir que les sites internet mais les frais s’élèvent en général à une quarantaine d’euros. Du coup quoi qu’il arrive, pour utiliser son argent français, il y a des frais, soit lors du virement, soit par le DAB.

À noter que les banques délivrent en générale une carte de retrait (cash card) qui ne sert pas à payer en magasin. Elle fournisse également quelque chose que je n’avais encore jamais vu : un livret, un vrai, physique ! On peut l’utiliser dans les automates à la place de sa carte, et quand on dépose ou retire de l’argent, le solde est inscrit dessus. C’est assez rigolo, ça semble venir d’un autre âge. Mais, certaines banques ne le fournissent plus.

Le cashless

Le Japon est réputé pour être un pays où tout se paye en liquide. Il m’arrive souvent de me balader avec une centaine d’euros sur moi, alors qu’en France je n’ai jamais de liquide sur moi. Cependant, le gouvernement essaye de faire changer cette habitude, et pour ça il a lancé, en même temps que l’augmentation de la TVA, une petite réduction lors des achats sans liquide.

Promotion du cashless avec 5 % de réduction

Les achats cashless sont ceux effectués par CB, IC card (Suica et autres), LINE Pay, We Chat… Cependant, comme je l’ai dit tout à l’heure, le rechargement des IC card ne peux pas se faire par carte, il y a toujours du cash dans l’histoire. LINE Pay est la solution de payement par mobile japonaise, équivalent au chinois WeChat. LINE est à la base une application de messagerie comme What’s app qui s’est étoffé d’une multitude de services ! Pour utiliser LINE Pay, il faut connecter sa banque (uniquement japonaise) pour ensuite créditer son compte LINE. Pour payer deux solutions : par QR code ou sans contact.

Pour le sans contact, on se retrouve avec le même problème que pour la Suica : le système utilisé. Encore une fois Felica, et c’est le cas pour tous les terminaux sans contact au Japon. On ne peut pas utiliser le standard sans contact des cartes Visa ou MasterCard que l’on a en Europe, ça ne marche pas. Les seuls endroits où j’ai réussi, c’est au McDo. D’ailleurs, les employés ne semblent pas au courant car à chaque fois que je l’utilise ils ne comprennent pas ce qui arrive 😄 Et par conséquent, il n’est pas possible d’utiliser son téléphone européenn (sauf iPhone et Pixel) en sans contact (sauf en QR code). D’ailleurs Google Pay ne marche pas avec mon compte japonais, alors qu’il marche avec mon compte français, il faut une puce Felica dans le téléphone.

Il y a un autre point qui m’a surpris sur l’hégémonie du liquide, et que je ne comprends pas. Les supermarchés OK (un genre de Lidl) ont une carte de fidélité qui permet de profiter de 3 % de réduction à chaque achat… sauf si l’on paye par carte ! Pourquoi ? Sachant que quand on paye sans la carte de fidélité, le prix est le même que ça soit en cash ou en CB. Il en est de même pour les factures d’eau, d’électricité de la sécu… que l’on peut payer au konbini, mais pas par carte !

Conclusion

En conclusion, même si j’ai râlé dessus, je n’ai rien contre l’utilisation de Felica. Il y a surement des raisons techniques qui font qu’elle est mieux que d’autres technologies, mais aussi le fait d’un choix. Je me demande pourquoi Apple et Google sont les deux seuls fabricants à intégrer cette puce dans tous leurs smartphones ? En revanche, ce que j’ai du mal à comprendre c’est l’impossibilité de recharger les IC cards par carte. Ou de ne pas autoriser les cartes bancaires quand celles-ci sont étrangères. Ce que je trouve embêtant c’est l’insularité, au sens propre comme figuré, du Japon pour la banque.

Catégories : Ma vie au Japon

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